D’une manière générale, j’ai voulu, dans ce film, montrer la difficulté à parler de la violence, et à être écouté et encore plus, compris. Dans ce travail, le message est perçu simplement comme un problème phonétique, c’est-à-dire, uniquement à partir de son apparence formelle.
Mais, j’ai voulu aussi montrer que les victimes de la violence ont une parfaite conscience du problème, et que c'est pour cette raison qu’elles restent souvent murées dans le silence. Walter Benjamin écrit, à propos de la Première Guerre mondiale, que les soldats étaient rentrés « pauvres en expériences communicables » (The Storyteller, 1936).
Des morceaux de réalité, des images isolées et hors contexte, parfois chargées d’un sens ambigu. Voilà tout ce qu’ils peuvent montrer, voilà tout ce que je suis capable de montrer.
« Living Leaving », je fais partie de ceux qui ont choisi de « partir » pour pouvoir « vivre ». D’autres ont été obligés de le faire. Mais, même ceux qui sont restés préfèrent ne pas vraiment voir et se dire que ce n’est pas vrai, ou tout au moins pas si horrible qu’on le dit. Ou encore, pour ceux qui le peuvent, s’enfermer dans des maisons bien protégées, pour ne regarder la réalité qu’à la télé comme une fiction de plus. « Laisser » la réalité pour continuer à « vivre », « laisser » sa terre, sa ville ou son pays pour continuer à « vivre » , la différence entre « living » et « leaving » est plus qu’une question d’accent.