Théâtre
"La Dernière Interview", dialogue imaginaire entre Dieudonné Niangouna et Jean Genet.
Dieudonné Niangouna joue le rôle de Genet et répond aux questions de Catherine Boskowitz dans le rôle de Nigel Williams, journaliste de la BBC. A partir de l’entretien initial, le comédien ne se prive pas d’opérer de fréquents décrochages, commenter les réponses de Genet ou parler en son nom propre. Purs moments d’improvisation qui se mêlent au montage textuel et dressent un portrait éclaté de Genet confronté, ici et maintenant, à la traversée du monde et du théâtre également obliques de Dieudonné Niangouna.
Catherine Boskowitz, papier en main, caméra braquée, joue bien le « rôle » de Nigel Williams, le journaliste. Dieudonné Niangouna, cigarette à la main, révolte au poing, joue bien le « rôle » de Jean Genet. Quand soudain, prolongeant les propos de Genet, pour l’intervieweur, mais aussi pour lui-même et pour le public (auquel il va s’adresser comme si chaque spectateur était l’intervieweur, au point de créer un malaise : qui est-il ? qui suis-je ?), Dieudonné Nianguna devient lui-même. Ainsi, quand le poète évoque Mettray, la colonie pénitentiaire dans laquelle il fut adolescent enfermé sept ans, Niangouna n’hésite-t-il pas à créer un parallèle, ou tout au moins un prolongement entre la création de Mettray, en 1840, et celle de Brazzaville (sa ville de naissance) en 1880, jusqu’à affirmer : Brazaville n’existerait pas si Mettray n’avait pas existé. Étrange raccourci, mais qui incite (dans les silences qui suivent) à y repenser. De la colonie pénitentiaire à la colonie « tout court », il n’y a qu’un adjectif qui vaut pour les deux. Mais la « sortie » la plus importante du comédien naît d’une question sur la langue française. Avec une aisance rare, il brode alors avec intelligence une belle réflexion (improvisée ?) sur ce qu’est son propre rapport à la langue française, lui qui n’est pas né dans cette langue qu’on lui a imposé à l’école dès l’âge de 4 ans. Longue et puissante réflexion. Drôle aussi, grâce à son jeu en finesse.
Sur l’heure que dure la pièce (qui n’en est une que parce qu’elle se déroule dans un espace dans lequel un public est présent), combien de minutes de silence ? Plus que d’habitude. Le silence. Laisser aux mots, aux idées, aux pensées, le temps de se faire, de s’installer, de se construire dans la tête (et le cœur) des humains spectateurs. Nous réhabituer au silence, c’est-à-dire à la confrontation avec soi-même. Et ce n’est pas là la moindre qualité de ce spectacle.
Les options scéniques de Catherine Boskowitz, alliées au jeu apparemment simple mais en réalité bien complexe de Dieudonné Niangouna, portent le spectateur à être de la partie, à son corps défendant. Genet dérangeait. Il fallait que le jeu de Niangouna dérangeât aussi. Ce qu’il fait, physiquement, symboliquement, en passant et repassant, nerveux, silencieux, entre deux rangées de spectateurs, les obligeant à se déplacer, à se bouger, à agir, donc à s’impliquer. Un spectacle hors normes. Parce que Genet l’était. »
Conception et mise en scène Catherine Boskowitz
Assistanat à la mise en scène Karima El Kharraze
Avec sur le plateau Dieudonné Niangouna, auteur et acteur
Catherine Boskowitz, metteure en scène, intervieweuse
Création sonore Benoist Bouvot
Création lumière Laurent Vergnaud
Conception scénographique Jean-Christophe Lanquetin
Création vidéo/Assistant scénographe/Montage vidéo Jonathan Debrouwer
Régisseuse Claire Dereeper
Production Compagnie abc avec l’aide à la production d’Arcadi. Avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile de France, Ministère de la Culture et de la Communication, du Collectif 12 et de Confluences.
Contact compagnie
Sylvie Boskowitz 06 74 34 51 20 lacompagnieabc@gmail.com
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